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Depuis une quarantaine d'années, nous avons entendu parler des effets harmoniques dans
les prières lamaïques tibétains. Il y a une trentaine d'années, on nous a signalé l'existence
du chant diphonique chez les Bachkirs et les Mongols. Vers le début des années 80, on a
"découvert" la richesse du chant de gorge des Touvas. Le développement des effets
harmoniques dans la musique méditative en Europe depuis les dix dernières années a poussé
la recherche vocale dans le domaine de la résonance harmonique, notamment en Europe et
en Amérique. [...]
DESCRIPTION
Le chant diphonique [...] se caractérise par l'émission conjointe de deux sons, l'un dit son
fondamental ou bourdon, qui est tenu à la même hauteur tout le temps d'une expiration,
pendant que l'autre, dit son harmonique (qui est l'un des harmoniques naturels du son
fondamental) varie au gré du chanteur. Ainsi, une personne parvient à chanter à deux voix
simultanément. Ce son harmonique a un timbre proche de celui de la flûte (voix flûtée) ou de
celui de la guimbarde (voix guimbarde).
[...]
DIVERS STYLES DU CHANT DIPHONIQUE
La technique du chant diphonique est répandue non seulement dans toute la partie du monde
se trouvant autour du Mont d'Altaï en Haute Asie concernant les populations suivantes :
Mongols, Touvas, Khakash, Bachkirs, Altaiens, mais également à un certain degré, parmi les
Rajasthanais de l'Inde, les Xhosas d'Afrique du Sud, et les Moines tibétains des monastères
Gyütö, et Gyüme. Chez les Touvas, il existe cinq techniques principales avec bourdon du plus
grave au plus aigu selon les styles kargyraa, khoomei, borbannadyr, ezengileer, sygyt.
Le KARGYRAA se chante habituellement dans le registre extrêmement grave de la voix du
chanteur. Il y a deux styles principaux de Kargyraa : le Kargyraa de Montagne (Dag Kargyraa)
et le Kargyraa de Steppe (Xovu Kargyraa). Les deux styles produisent un son intense comme
celui de la grue, riche en harmoniques . Cette technique est en fait très proche de la prière
tibétaine du style dbyang.
Kargyraa représente un style de chant de gorge très lié à l'émission des voyelles.
En plus de diverses manipulations de gorge, la bouche change d'une forme presque fermée
de " O" presque à une forme buccale grande ouverte. Le Kargyraa de montagne utilise
habituellement le registre le plus grave qui inclut souvent des effets nasaux. Il devrait
comporter une résonance de poitrine assez forte, et pas trop d'action de gorge. Le style
Kargyraa de steppe s'exécute habituellement dans un registre plus élevé que le Kargyraa de
Montagne ; il se distingue par avec une tension de gorge accrue et une résonance de poitrine
moindre.
Pour le style kargyraa le fondamental a un timbre spécial (cor de chasse) avec une fréquence
variant entre 55Hz (la) et 65Hz (do 1). Les harmoniques se promènent entre H6, H7, H8, H9,
H10 et H12. Chaque harmonique correspond à une voyelle déterminée.
Le KHOOMEI est non seulement le nom générique donné à tous les styles de chant de gorge ,
mais il désigne également un style particulier du chant.
Le Khoomei se caractérise par l'émission d'un son doux, créant des harmoniques dans le
registre médium de la voix du chanteur. Techniquement, (selon Khaigal-ool Xovalyg),
l'estomac reste relaxé, et il y a moins de tension laryngée que dans le style Sygyt. La langue
s'aplatit entre les dents de la mâchoire inférieure. Les lèvres forment un petit "O".
La combinaison des lèvres, de la bouche et de la gorge crée un grand effet spectral.
Kaigal-ool est très célèbre pour le style Khoomei. Il utilise un vibrato pour les notes graves.
Le BORBANNADYR n'est pas vraiment un style comme le Sygyt ou le Kargyraa, mais plutôt
une combinaison des effets appliqués à un des autres styles. Ce nom vient du mot tuvin pour
le " roulement ", comme les "trilles" acrobatiques, le gazouillement des oiseaux, le
babillage des ruisseaux, etc... Le nom Borbannadyr s'utilise le plus souvent pour décrire le
roulement du son, et également pour désigner le son plus grave surtout dans les textes
anciens.
Le fondamental dans le style Borbannadyr (autour de 110Hz) reste fixe, et est plus doux que
celui du kargyraa. Le chanteur peut produire deux formants harmoniques au dessus du
fondamental. La parenté technique entre Kargyraa et Borbannadyr permet au chanteur
d'alterner les deux styles dans la même pièce musicale.
L'EZENGILEER vient d'un mot qui signifie " étrier " et indique les oscillations harmoniques
rythmiques semblables au son des étriers métalliques lors d'un galop du cheval. Le timbre de
l'Ezengileer change d'un chanteur à l'autre. L'élément commun est le " rythme de
cheval" des harmoniques.
Le style Ezengileer est une variante de Sygyt, caractérisé par un rythme dynamique particulier,
venant de l'appui périodique des pieds du cavalier sur les étriers.
Le SYGYT est habituellement basé sur un fondamental de registre moyen. Il est caractérisé par
un son aigu, flûté au dessus du son fondamental (entre l'harmonique 9 et l'harmonique 12).
Pour un Sygyt approprié, il est indispensable d'employer une pression considérable sur le
diaphragme et il faut forcer l'air pour traverser la gorge contractée.
La tension significative doit aussi être exigée dans la gorge, avec un positionnement approprié
de la langue afin de créer un résonateur buccal de taille correcte et propice aux harmoniques
les plus hauts. En outre, il est possible de chanter Sygyt directement à travers le centre de la
bouche, ou en inclinant la langue, d'un côté ou de l'autre.
Le style Sygyt possède un fondamental plus aigu (entre 165Hz-mi2 et 220 Hz-la 2) selon les
chanteurs. La mélodie harmonique utilise les harmoniques H9, H10, et H12 (maximum jusqu'à
2640 Hz).
Les types de chant diphonique des Touvas sont fondés sur les mêmes principes d'émission
sonore que ceux de la guimbarde. La mélodie est créée par les harmoniques d'un
fondamental, engendrés par le résonateur d'Helmholtz que constitue la cavité buccale
humaine dont on modifie les dimensions. Pour la guimbarde, c'est la lame vibrante qui attaque
le résonateur. Pour le chant diphonique, ce sont les cordes vocales qui seront réglées sur des
hauteurs différentes, ce qui crée plusieurs fondamentaux, donc plusieurs séries
d'harmoniques.
Depuis les dix dernières années, le chant diphonique touva a trouvé son second souffle grâce
aux intérêts des chercheurs, chanteurs occidentaux.
D'autres techniques secondaires ou moins connues ont été "retrouvées", à savoir sigit
moyen, kargiraa de steppe ou de montagne, Stil Oidupa (ce style inspiré du style kargyraa, et
appelé d'après le nom du créateur, est considéré comme le premier style urbain).
Chez les Mongols, il existe 6 techniques différentes de chant diphonique : xamryn xöömi (xöömi
nasal),bagalzuuryn xöömi (xöömi pharyngé) tseedznii xöömi (xöömi thoracique), kevliin xöömi
(xöömi abdominal) , xarkiraa xöömi (xöömi narratif avec un fondamental très grave) et isgerex
(la voix de flûte dentale, rare en usage). D. Sundui, le meilleur chanteur diphonique mongol,
possédant une technique de vibrato et une puissance harmonique exceptionnelle, est celui qui
a été enregistré sur nombreux disques en Mongolie et à l'étranger. Récemment, un autre
chanteur Tserendavaa est devenu célèbre et commence à faire parler de lui en Occident.
Les Khakash utilisent le style xaj et les Gorno-Altaiens possèdent un style semblable kaj pour
accompagner les chants épiques. Avant la domination russe, les Khakash avaient les styles de
chant diphonique très proches de ceux pratiqués par les Touva, à savoir sygyrtyp (comme
sygyt touva), kuveder ou kylenge (comme ezengileer touva), et kargirar (comme kargyraa
touva).
Chez les Gorno-Altaiens, on découvre les styles kiomioi, karkira et sibiski (respectivement
ezengileer, kargyraa , sygyt touva).
Les Bachkirs possèdent le style uzlau proche du style ezengileer touva.
Chez les moines tibétains des monastères Gyütö et Gyüme, le chant des tantras (écritures
bouddhiques), et des mantras (formules sacrées), les mudras (gestes des mains), et des
techniques permettant de se représenter mentalement des divinités ou des symboles se
pratiquent régulièrement. Leur tradition remonte à un groupe de maîtres indiens, le plus connu
étant le Yogin Padmasambhava, qui visita le Tibet au VIIIè siècle et , plus récemment, au
fondateur de l'un des quatre courants du bouddhisme tibétain, Tzong Khapa. C'est Tzong
Khapa (1357-1419) qui aurait introduit le chant diphonique et le style de méditation pratiqués
dans les monastères Gyüto.
Il tenait, dit on, ce type de chant de sa divinité protectrice, Maha Bhairava qui, bien qu'étant
une incarnation du Seigneur de la compassion (Avalokiteshvara) possédait un esprit terrifiant.
Le visage central de Maha Bhairava est celui d'un buffle en colère. Ses trente quatre bras
portent les trente quatre symboles des qualités nécessaires à la libération.
Aujourd'hui encore, les maîtres de cette école aiment comparer leur chant au beuglement
d'un taureau. Il existe plusieurs manières de réciter les prières : la récitation dans un registre
grave avec vitesse modérée ou rapide sur des textes sacrés, les chants avec trois styles (Ta
chanté avec des mots clairement prononcés sur une échelle pentatonique ; Gur avec un
tempo lent utilisé dans les cérémonies principales et au cours des processions ; Yang avec
une voix extrêmement grave sur des voyelles produisant l'effet harmonique pour communiquer
avec les Dieux). Les moines tibétains du monastère Gyüto sortent un bourdon extrêmement
grave et un harmonique H10 correspondant à la tierce majeure au dessus de la 3ème octave
du bourdon, tandis que les moines du monastère Gyüme produisent un bourdon grave et un
harmonique 12 équivalant la quinte au dessus de la 3ème octave du bourdon. On dit que le
chant des moines Gyutö correspond à l'élément Feu et celui des moines Gyume exprime
l'élément Eau. Ces moines obtiennent cet effet harmonique en chantant la voyelle O avec la
bouche allongée et les lèvres arrondis.
Au Rajasthan en Inde, un chanteur rajasthanais, enregistré en 1967 par le regretté John Levy,
est arrivé à utiliser la technique du chant diphonique pour imiter la guimbarde et la flûte double
satara. Cet enregistrement unique est la seule trace de l'existence du phénomène du chant
diphonique au Rajasthan.
En Afrique du Sud, les Xhosa pratiquent le chant diphonique, surtout chez les femmes. Cette
technique s'appelle umngqokolo ngomqangi imitant l'arc musical umrhube. Ngomqangi est le
nom du coléoptère. Selon les explications de la chanteuse qui sait chanter cette technique à
double voix simultanée, elle s'est inspirée du bruit du coléoptère placé devant la bouche
utilisé comme bourdon et elle modulait la cavité buccale pour varier les harmoniques produits.
Dave Dargie a découvert ce type de chant diphonique chez les Xhosa en Afrique du Sud en
1983.
A Formose, les Bunun chantent les voyelles dans une voix très tendue et font sortir quelques
harmoniques lors de l'exécution un chant pour la récolte des millets (Pasi but but ). Est-ce bien
un style de chant diphonique semblable à celui pratiqué par les Mongols et les Touvas ? Faute
de documents sonores et écrits, nous ne pouvons poursuivre nos recherches.
Dans certains types de chants, l'émission des voyelles est très résonantielle, ce qui permet
aux chanteurs de créer un deuxième formant non intentionnel (comme dans le chant
bouddhique japonais shomyo, certains chants bulgares, chants polyphoniques d'Europe de
l'Est), ou intentionnel (le phénomène quintina - la 5ème voix virtuelle, résultant de la fusion des
4 voix produites ensemble - des chants sacrés sardes étudiés par Bernard Lortat-Jacob).
Il faut donc faire la distinction entre le chant diphonique (chant créant une mélodie
d'harmoniques) et le chant à résonance harmonique (chant accompagné par moments par
des effets harmoniques).
Auteur du livre "Musiques du Monde", edité par J-M Fuzeau,
320 pages, 3 CD, Courlay, 1993. (avec Michel Asselineau et Eugene
Berel)
Le chant diphonique...par TRAN QUANG HAI
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Le chant diphonique...par TRAN QUANG HAI
Dernière modification par francedidgeridoo le mar. 15 avr. 2003, 17:55, modifié 3 fois.
Re: Le chant diphonique...par TRAN QUANG HAI
tran donne des cours de chant au centre mandapa
2. Mon prochain atelier sur le chant diphonique à Paris sera organisé au
> > Centre Mandapa , 6 rue Wurtz, 75013 Paris, le dimanche 11 mai 2003 de
>9h30
>à
> > 13h30 . Reservation: Mme Milena SALVINI, tel: 01 45 89 01 60
> > email: mandapa@compuserve.com
Sinon il y a des cours gratos de chant diphonique à l'asso vent du reve tous les mercredi,
c'est moi qui les donne alors je sais qu'ils sont bien :-)
sauf qu'ils paraient qu'ils sont pas bien mais qu'on ose pas me le dire ...
:-(
mais c'est pas vrai. Ils sont très bien. D'ailleurs tout le monde progresse très vite.
2. Mon prochain atelier sur le chant diphonique à Paris sera organisé au
> > Centre Mandapa , 6 rue Wurtz, 75013 Paris, le dimanche 11 mai 2003 de
>9h30
>à
> > 13h30 . Reservation: Mme Milena SALVINI, tel: 01 45 89 01 60
> > email: mandapa@compuserve.com
Sinon il y a des cours gratos de chant diphonique à l'asso vent du reve tous les mercredi,
c'est moi qui les donne alors je sais qu'ils sont bien :-)
sauf qu'ils paraient qu'ils sont pas bien mais qu'on ose pas me le dire ...
:-(
mais c'est pas vrai. Ils sont très bien. D'ailleurs tout le monde progresse très vite.
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Re: Le chant diphonique...par TRAN QUANG HAI
Un rendez vous à ne pas manquer pour tous les curieux
du chant diphonique :icon_bravo2:
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